B. Un quotidien difficile
Les Allemands sont nombreux à Brest. Aux troupes d’occupation s’ajoutent les unités de la Kriegsmarine et les équipages en repos. Les travaux de la base sous-marine puis du mur de l’Atlantique entraine l’arrivée de travailleurs de l’organisation Todt. la concentration de tout ce contingent accroit les problèmes de ravitaillement, d’autant plus que les services de l’Etat français sont impuissants à enrayer un marché noir entretenu par l’occupant. Comme ailleurs, la population manque de tout. Le rationnement (pain, viande, matières grasses, vin, alcool, tabac…) est rude et contraint la population à recourir aux ersatz .
La circulation est compliquée, non seulement parce que le carburant manque, mais aussi, la délimitation d’une zone côtière interdite nécessite des laissez-passer et provoque de multiples contrôles. Certes la vie continue mais les contraintes sont pesantes. Les mesures de défense passive obligent les Brestois à limiter l’éclairage dès la tombée de la nuit. A plusieurs reprises, le couvre-feu est décrété.
Avec l’apparition du service du travail obligatoire (S.T.O) dès 1942,la jeunesse fait l’objet de rafles qui se multiplient, de préférence à la sortie des salles de spectacle, de cinéma ou des terrains de sport.
Rien n’incite donc les Brestois à emprunter les voies de la collaboration. Le Mouvement Social Révolutionnaire, la Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme ou le Parti Populaire Français ne recrutent en ville qu’une poignée d’extrémistes. Les nationalistes bretons ne sont guère plus suivis d’autant que l’évêque de Quimper a mis sévèrement en garde les fidèles contre leur propagande. Ainsi, le mécontentement est grand au sein de la population brestoise, ce qui favorise l’émergence de mouvements de résistance.
Brest – la Rebelle
A. La Résistance
La présence allemande à Brest suscite immédiatement des résistances spontanées: inscriptions vengeresses ou provocatrices sur les murs, lacération d’affiches de propagande, dépôts de bouquets ornés du ruban tricolore auprès du monument aux morts, fleurissement des tombes des aviateurs anglais. De plus, les Brestois applaudissent lors du survol d’avions alliés, et une intense propagande anti-allemande apparait. Les autorités allemandes entreprennent de faire cesser ces agissements mais en vain.
La violence des bombardements ne change rien. Le sous-préfet rapporte en 1943: « des aviateurs américains faits prisonniers après une descente forcée en parachute ont été applaudis lorsqu’ils traversèrent sous escorte les quartiers sinistrés par ceux-là même qu’ils venaient de frapper ».
Certains réseaux s’organisent pour tenter des coups de main, attentats ou évasions tel que le groupe Elie. Démantelé en mai-juin 1941, cette organisation donne à Brest « ses onze martyrs » fusillés le 10 décembre au Mont Valérien.
Malgré les risques, des mouvements continuent de naitre. Certains se spécialisent dans le renseignement comme la confrérie Notre-Dame Castille ou le réseau Johnny. D’autres se consacrent à l’évasion d’aviateurs alliés tels que les membres du groupe Jade-Fitzray.
L’action directe se développe sous l’impulsion communiste. Les résistants s’attaquent non seulement aux soldats allemands mais également aux policiers français les plus compromis. La sympathie pour ces formes de résistance augmente en même temps que l’hostilité envers le gouvernement Laval progresse. La mise en place du S.T.O gonfle les rangs de la Résistance. Des mouvements de lutte armée apparaissent comme Défense de la France ou Libération-Nord.
Le débarquement du 6 juin 1944 entraine une véritable mobilisation des organisations résistantes. Avec le soutien des F.F.I et des F.T.P, les Alliés progressent sur le territoire français. Au fur et à mesure de leur percée, Brest se présente comme un objectif déterminant pour la bonne conduite des opérations
Dans le cadre de l’opération Cobra, Brest se révèle un point important dans la stratégie alliée. En effet, ils espèrent contrôler rapidement le port pour s’assurer du bon ravitaillement de leurs troupes.
Le 7 août, après une première évacuation de civils, les Américains encerclent la ville et la prend d’assaut. Les combats vont s’avérer extrêmement difficiles. La garnison allemande est bien retranchée et se voit renforcée par les redoutables Fallschirmjäger, des parachutistes d’élite commandés par le Général Ramcke. Le 12 août, Ramcke prend le commandement de la place de Brest, forte d’ environ 40 000 hommes. Nazi fanatique, lui et ses troupes sont déterminés à défendre la forteresse brestoise jusqu’au bout. Sur demande des autorités civils, une seconde évacuation a lieu. Il ne reste alors que 2500 Brestois dans la ville.
Conformément à leur tactique militaire, les Américains utilisent abondamment la puissance de feu de leur artillerie et de leur flotte aérienne. La ville est constamment pilonnée par les canons de l’artillerie ainsi que ceux du cuirassé britannique HMS Warspite. Les bombardiers effectuent plus de 300 missions larguant quelque 300 000 tonnes de bombes dont un certain nombre au phosphore et au napalm.
Des attaques sont par ailleurs concentrés sur les points fortifiés de la défense allemande qui donne lieu à des affrontements d’une extrême violence. A Montbarey, il faut recourir à l’utilisation de chars lance-flammes pour conquérir le fort. L’engagement est intense. L’infanterie américaine se heurte à une résistance tenace des parachutistes allemands. Dans la ville-même, les soldats avancent qu’au prix de durs combats de rue. Quant aux civils, ils se terrent dans les abris. D’ailleurs, un drame se produit dans l’un d’entre-eux. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, une explosion dont l’origine reste indéterminée, cause la mort de 373 personnes dans l’abri Sadi-Carnot.
Le 18 septembre, alors que Ramcke s’est embarqué pour la presqu’île de Crozon où il se rendra le lendemain, le colonel Pietzowka capitule. Amère victoire, le port est inutilisable. les Américains déplorent 1200 tués et 6000 blessés. Les Allemands ont perdus 10.000 hommes, morts ou blessés et 38.000 sont faits prisonniers. Pour Brest, le réveil est difficile. La ville est détruite à 75%, le centre est anéanti, plus de 600 civils ont trouvé la mort durant le siège.
Brest outragée! Brest brisée! Brest martyrisée mais Brest libérée! La célèbre réplique du général De Gaulle illustre bien le calvaire brestois. La cité du Ponant a en effet connu au cours de la seconde guerre mondiale un destin funeste. Ravagée, désertée, la ville porte les traces de quatre années de guerre dévastatrice.